Etape 88: El pasaje
- elo-diem
- 10 juin 2016
- 5 min de lecture

Jeudi 24 mars 2016
La nuit fut difficile est agitée pour Tristan. Le partage de nos duvets m'a valu à moi des moments de froid. Bien que le réveil était à 6h, le sommeil étant rare, on se laisse aller jusqu'à 7h.
Par chance il fait beau au loin, le ciel est découvert, le glacier montre enfin le bout de son nez. La soirée d'hier laisse un goût amer qui rend le matin comme une sorte “d'attente”. Moi, j'attendais le soleil, avec fermeté, je le guettais innonder petit à petit la montagne en face de moi, j'étais impatiente, je lui ai même crié dessus.
“VIENS BORDEL, J'EN PEUX PLUS, ON A FROID!”
Quand enfin celui-ci réchauffe la toile de notre tente humide et nos quelques vêtements qui ont dépéris hier, je me sens mieux, d'attaque pour une journée de poney. La douleur nous fait parfois oublier le fait qu'on a bu un petit thé dans la jungle à 3400 mètres d'altitude, seuls au monde, encerclés de montagne monstrueuses. Mais le recul gagne toujours pour les souvenirs !
Une fois tout le matériel rangé, les sacs fermés, les chaussures attachées on prend les deux bâtons d'une main ferme et on attaque le chemin, il fait beau et frais mais la route est boueuse, de nombreuses mules ont foulé la terre avant nous, il faut faire attention à ne pas tomber. Le dénivelé négatif au début ça amuse, c'est facile puis petit à petit on comprend que nos articulations vont morfler et quand ton pied commence à taper au bout de ta chaussure chaque pas que tu fais, tu te dis “il me reste 5h comme ça”. Mes pires ennemis sont les petits cailloux dans les chaussettes et mon sac, mes meilleurs amis sont les terrains plats et le vent frais (ainsi que la bonne nourriture).
On croise un paquet de mules et un paquet de taureaux tous plus impressionnants les uns que les autres, tout noir, avec de grosses cornes, ils nous fixent puis passent lentement, moi j'ai le sac rouge et j'ai peur. On se demande ce que ça fait dans des chemins pareils des troupeaux de taureaux.
Nous rattrapons notre “retard” entre guillemet parce qu'on suit le rythme du blog d'un mec qui, à mon avis, est très fort en trek. On arrive à Chaullay à 11h. Maintenant la journée 3 est censée commencée et ça fait déjà 3h que l'on marche. On se fait une pause rapide, tomate, fromage et sandwichs, je donne comme d'habitude une de mes part à un chien puis on redémarre.
La drame à la into the wild, on venait de descendre pendant 10 bonnes minutes une pente conséquente et lorsque l'on est arrivé à la rivière on voyait de l'autre côté là suite de notre chemin et entre nous et lui… de l'eau. Tous le chemin s'est éboulé il est impossible pour nous de passer par là. J'ai envie de crier. On tourne les talons et remontons tout le chemin, on monte encore et encore et encore, je lâche des haaaaaaaaa quand je pousse sur mes bras pour faire avancer mon corps, il fait chaud maintenant, le chemin que l'on emprunte est tout nouveaux, ça sent la terre fraîche, qui me rappelle mes week-ends de petites filles à aider les parents dans le jardin à Paul Doumer.
Quand le plat fait son apparition, je me mets à avancer plus vite pour gagner du temps, je ne souffre pas à plat, je raconte des histoires pour faire passer le temps plus vite, Tristan écoute attentivement par habitude la pie qui lui sert de petite copine.

Nous arrivons au point le plus dangereux du trek selon Tristan, un morceau de chemin encore éboulé, mais cette fois on est haut et sous nos pieds il y a la rivière qui va relativement vite. Il va falloir passer en s'accrochant aux racines des arbres du dessus, et ne surtout pas tomber. Tristan fait le chemin trois fois, moi une seule et ça m'a suffit, me suis fait pipi dessus… Les mottes de terre tombaient à toutes allure dans les vagues. Petit coup d’adrénaline !


On prend finalement une décision: s'arrêter tôt, pour enfin profiter un peu du jour, se reposer, nous laver, il ne nous reste pas beaucoup de temps ensemble alors il faut aussi penser à prendre soin de soi. On s'arrête vers 15 heures à WInaypocco, qui n'est qu'autre que la maison d’une famille péruvienne qui prête son jardin aux trekkeurs contre une somme participative. Il y a des ânes, des cochons, des poules, des chiens et une petite fille qui s'appelle Jasmina comme la fleur qu'elle me dit. Elle a l'air heureuse de voir du monde et me tend des pansements lorsqu'elle me voit grimacer en touchant mes pieds.
Nous demandons si il est possible de rejoindre le chemin carrossable demain pour nous faciliter la tâche, la maman (qui a juste 2 ans de plus que moi) Nous répond que oui, il suffit d'emprunter “el pasaje”. Pendant que je commence à debaler quelques affaires, Tristan va voir le fameux passage. Il revient l'air à la fois amusé et gêné et me dit “il faudrait peut être que tu viennes voir le passage, je pense que ça vaut le coup”, je comprends assez vite ce que ça veut dire et me précipite vers le fond du jardin. Je fais un bon en arrière et plaque mes deux mains sur la bouche, il est hors de question de passer par là! Tristan se met à rire et moi je suis blême, le chemin n'est qu'autre qu'un câble de deux centimètres de diamètre, suspendu à 10 mètres au dessus de la rivière, avec une cage accrochée dessus, le tout tenu par des pierres et un tronc d'arbre de chaque côté.
Ça me fout une peur bleu, alors je préfère qu'on continu le lendemain sur le chemin pédestre. Jasmina me dit qu’elle est déjà passée plusieurs fois et que ça ne craint rien, je ne la crois pas. Je descends regarder s'il est possible de trouver un passage à travers la rivière, impossible.
On remonte à la maison pour se doucher à l'eau gelée, on se regarde en tenant le savon avec des yeux d'encouragement. Ça fait un bien fou, on rince quelque uns de nous vêtements au robinet extérieur et on fait notre vaisselle. Jasmina me fait goûter des fruits qu'elle cueille et me montre comment elle fait de la couleur avec des fleurs. La tente est montée, on est propre, la vaisselle aussi et il fait encore jour, une grande première ! On va manger en plus un repas préparé par nos hôtes, des frites avec du riz et un oeuf, le paradis !
On se concerte assez longuement sur le trajet qu'il reste, les estimations de difficultés et de temps. Je décide d'écrire un peu mais c'est sans compter Jasmina qui veut absolument jouer avec ma tablette, je me résigne et joue avec les chiens affamés, la boîte de thon ouverte s'est transformée en baston canine familiale.
La nuit tombe, nous mangeons dans la cabane en bois qui sert de cuisine en nous répétant la chance que l'on a de vivre ce genre d'expérience. Il n'y a pas d'électricité, une petite lampe solaire seulement, après le repas je me suis mise à les aider à éplucher les haricots, des haricots bien plus gros que ceux du jardin de mamie !

On discute un peu… puis j'apprends qu'il est impossible d'emprunter le chemin pédestre pour continuer le trek, il faut à tout prix prendre le pasaje, parce que tout s'est éboulé, je suis aux anges ! Après avoir épluché les haricots, on se met dans la tente et à tour de rôle appliquons encore le baume du tigre sur nos muscles endoloris.
J'ai fait des gros cauchemars dans lesquels je tombais dans la rivière.
Bilan jour 3 : 1200 m de dénivelé négatif, 150 mètres de dénivelé positif et 13 km parcourus.
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