Étape 109: Les fameux Mandalas
- elo-diem
- 10 août 2017
- 3 min de lecture

Mercredi 09 août 2017
C'est dans une lourde humidité tropicale que j'ouvre les yeux la première, j'essaie tant bien que mal de réveiller doucement les filles pour le petit déjeuner. Le café a fait du bien, la nuit aussi. Nous négocions toujours assez fermement le prix des billets "d'avion" pour Lukla (si le coeur vous en dit je vous invite à regarder sur Google image l'aéroport de cette délicieuse ville, point de départ de tous les trekkeurs pour le toit du monde). Ce bout de papier représente le plus gros de notre budget, 155 dollar pour un voyage et il en est aussi à mes yeux une partie redoutable. Après avoir changé de chambre nous plongeons dans le coeur palpitant de Kathmandu. C'est rapidement que nous suivons un "guide de rue" : Rukish. Au coin d'une petite enseigne j'ai entendu de la musique, et c'est là que je me suis dis que je n'avais pas d'argent sur mon compte en banque, pas de bijoux, pas d'appartement, pas d'économies, aucun bien et que pourtant je me sentais riche, riche de pouvoir vous raconter les odeurs des épices et des encens, la manière dont on frappe la laine accroupi près du sol, les sourires des enfants cireurs de chaussures, le mouvement de la petite vache noire et blanche qui passe devant nous, la couleur des temples, des offrandes, des poteries.

Rukish explique, le troisième oeil des déesses qui sert à voir le futur, les pigeons sacrés, la rue du Dieu de la dent, le fait de clouer une pièce en argent pour ce qui va se passer après et une pièce en or pour le présent et tout le monde qui touche cette oeuvre informe puis se frôle le front et la poitrine du bout des doigts, parfois deux religions se retrouvent dans un même temple, séparées par des entrées distinctes, le bouddhisme et l'hindouisme.

C'est rapidement que l'on arrive à son école d'art, on y fait des Mandalas. Ce sont des oeuvres très précises et minutieuses, elles sont magnifiques elles servent de protection ou de support pour la méditation, les couleurs sont à couper le souffle, ils peignent avec des poils de yack, il y a des ornements en or. Tu ne peux signer ton oeuvre qu'après 10 ans d'études. Ils déroulent devant nous dans une pièce rouge et lumineuse les morceaux de cotons arc en ciel, c'est comme une danse, nous avons des loupes, chaque explication me donne un frisson, le même que j'ai quand lorsqu'on me coiffe les cheveux ou quand j'observe quelqu'un faire un dessin. J'en redemande des histoires, encore, encore ! Arrive le moment que vous attendiez tous, celui où il faut payer. Je m'en sors mieux que les autres, avec une oeuvre moins chère sous le bras alors que j'étais fermement décidée à ne pas l'acheter, le gars à réussi son coup, je suis dindon de farce. C'est là qu'il cesse d'expliquer, et qu'il demande quelques courses pour le remercier. La gentillesse de Morgane a des limites, notamment mon intolérance à l'abus de faiblesse. Nous coupons court et nous séparons de notre guide urbain entourloupeur de backpaceuses naïves. Nous retournons manger dans notre petite place et emportons le surplus pour le soir. Dans la chambre les activités s'enchaînent, on compte, on organise, on prévoit, on essaie de comprendre le fonctionnement de la caméra, on va payer les billets, on cherche sur Internet, on met de la musique, on écrit, on appelle, on retouches, on discute. La nuit tombe aussi vite que l'eau du ciel.
Nous devons aller retirer de l'argent, sous nos gigantesques capes imperméables, les pieds dans la boue. Nos cartes bancaires sont bloquées, on essaie partout, impossible. On rentre à l'auberge et c'est là que les parents entrent en scène pour aider leurs louveteaux bloqués à l'autre bout du monde par des enflures de banquiers incompétents. Ah ça pour nous prélever des AJO de manière arbitraire il y a du monde au balcon, par contre de noter un voyage et empêcher le blocage anti-fraude en un clic de souris d'ordinateur là, là y'a plus personne.
C'est encore en tailleur que nous tournons la page de toutes les émotions de la journée, en culotte de trois jours à manger du pain à l'ail dans du papier journal. Peut-être l'excitation, le traque, le décalage horaire ou juste le bonheur d'avoir réussi malgré tout notre première journée népalaise, fait tourbillonner nos rires au plafond, sans interuption jusqu'à presque 3h du matin. Je note frénétiquement sur mon carnet les meilleurs morceaux de cette délicieuses mélodie féminine. À en avoir mal au ventre nous finissons par nous endormir une petite heure avant la sonnerie du réveil.
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