Étape 122: Le camp de base de l'Everest
- elo-diem
- 31 août 2017
- 4 min de lecture

Mardi 22 août 2017
Moi, je n'avais pas envie d'y aller mais mes yeux se sont ouverts, j'essayais d'envisager de rester là toute la journée et d'attendre pour redescendre, noir, impossible, rien ne se dessinait. Et pourtant moi, je n'avais pas envie d'y aller. Je me suis levée, j'ai mis mon legging, mon pull, mes gants, mon bonnet, mes chaussures, ma veste, j'ai pris mes bâtons et je les ai suivi, les filles et le chilien.
Je surveillais mon corps comme on surveille un gosse turbulent qui fait des conneries pendant la récré, je l'attendais au tournant et le prévenais que ce n'était pas bien, ce sale gosse posait avec insolence un pied puis l'autre, alors que moi, je n'avais pas envie d'y aller.
Il faisait gris, nous montions, encore et encore plus haut, mon souffle était court, la pression sur mon crâne devenait insuportable, cela me brouillait presque la vue. Nous sommes arrivées face aux glaciers, plus personne ne rigole, le silence se fait. On sourit de pouvoir voir un bleu si bleu, un blanc si blanc puis il faut marcher encore.
Le bruit d'une balle qui traverserait le corps de quelqu'un, celui d'un explosif parisien, belge, espagnol, allemand, anglais... Mon coeur s'arrête, je lève la tête et cherche du sang, des cris... Je ne trouve rien. C'était la Terre, qui laissait tomber une de ses main, un morceau de glace s'était détaché et tombait à toute allure derrière les nuages épais... La montagne aussi, baisse les bras. Mon sang se glace. Je suit le népalais, les bruits se rapprochent, deviennent de plus en plus fort, ça y est je l'ai vu, j'ai vu quelque chose tomber, j'ai envie d'hurler et de me casser d'ici, ça n'a aucun sens d'être là putain, je ne prends absolument aucun plaisir, moi, je n'avais pas envie d'y aller! Ma bouche reste fermée, je regarde les filles, tout le monde a peur.
"LES FILLES N'Y ALLEZ PAS, LE SOL BOUGE, LE SOL BOOOOUGE..."
À 50 cm de mes pieds le sol tombe, les pierres roulent, Morgane est juste derrière moi, je n'entends plus Jordane, je n'entends plus rien. Je n'ai plus mal à la tête, je ne suis plus à 5100 mètres d'altitude, mon coeur s'accélère, je ne pense à rien, j'enfonce un bâton puis l'autre entre les rochers, je me hisse de toutes mes forces, je crois que je cris, mes jambes courent, elles me soulèvent à toute allure sans que je décide quoi que ce soit, encore! plus vite! plus fort, plus vite... Le brouah s'arrête. J'entends à nouveau.
J'ai mal à la tête et j'ai le souffle court, je regarde le ciel et lâche un "putain!" je hurle sur le népalais qui nous a fait passé par là, je hurle de peur "if something happen to us, our parents will kill you", il rit. Je hurle à nouveau, en français cette fois, il arrête de rire. Il voit sur mon visage que j'ai peur et que je ne rigole absolument pas avec lui, Morgane se met à crier aussi, Jordane nous demande de l'attendre on lui demande de se dépêcher, il faut qu'on parte, il faut qu'on avance, on va y rester sous un putain d'éboulement à la con. Le népalais s'excuse, je le foudroie "get us out of this shit, right now!". Nous avançons vite, haletantes, les jambes tremblantes, nous ne regardons plus les montagnes, ce sont les pierres et nous, chaque craquement nous fait sursauter.
Gorak Shep en visu, cela ressemble à une base de la NASA sur la lune, dans une plaine, trois bâtiments et autour les montagnes qui tombent, rien d'autre.
Je m'assois, "j'y vais pas".
Morgane s'active, remplie les bouteilles, cherche un guide, elle dégote un local qui accepte, il a des chaussures de ville, il prend notre sac. "Si tu veux venir Elodie c'est maintenant". Mais moi, je ne voulais pas y aller.
Je me lève, je les suis. Nous avons été jusqu'à 5200 mètres d'altitude, nous avons marché encore une heure et demi, puis avons décrété que le camp de base était là sous nos pieds, un tas de pierre est un tas de pierre et le brouah des éboulements nous a ramené à Gorak Shep.
Nous savions qu'il fallait repasser par les glaciers. Nous croisons Elizabeth, elle est fière de nous, elle nout dit qu'en effet, il faut redescendre maintenant. Nous réenpoignons nos bâtons fermement, le chilien nous a rejoint, c'est parti. J'ai l'impression de commencer une guerre,tu sais pas pourquoi tu fais ça, ni pour qui, t'as peur mais t'y vas comme un con.
Le sol resta stable et c'était tant mieux, on se regardait les unes les autres avec sérieux, Morgane s'est mise à avoir mal à la tête, elle a craqué et c'était justifié après toute l'énergie qu'elle avait déployé pour gérer la situation.
Nous sommes redescendues jusqu'à Lobuche pour récupérer nos sacs et payer les chambres. J'ai avalé un snickers, les émotions m'empêchaient de manger quoi que ce soit. Nous avons payer et sans dire au revoir, nous sommes parties. Nous sommes descendues d'une traite jusque Dukla, nous avons passé la dernière zone d'éboulement abasourdies par le fracas des rapides.
Nous allions mieux. Il restait cette énorme plaine à traverser, celle qui m'avait tant impressionner à l'aller ne m'intimidait plus à présent. La pluie s'est mise à tomber, des trombes d'eau. Pendant presque 2 heures nous avons avancé comme ça, entourées de Yacks et de brouillard. Dire que moi, je ne voulais pas y aller.
Perriche est apparu comme par miracle et je me suis dis que finalement... J'y avais été.
Bilan:
300 mètres de dénivelé positif 1000 mètres de dénivelé négatif 16 km 10 h de marche
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